par
- Contes liquides
- Expériences à l'étang
- Individu premier
- La revanche de la pelouse
- Expansion sans profondeur
- Conversation avec les plis
- Loin
- Là-bas
- Une limonade pour Kafka
- Le parfum du jour est fraise
- Mer et brouillard
- Au centuple
- Nuit
- Va te faire foutre – aloha – je t'aime
- Surgir
- En voie d'abstraction
- Déplacer le silence
- Nous abstraire
Poétique documentaire
Ces poèmes interconnectés explorent la politique identitaire d’Hawaï et la place de l’auteur en tant qu’étrangère ; le “va te faire foutre – aloha – je t’aime” hurlé par le chanteur d’un concert de hardcore ; le mot pidgin “da kine” ; les droits coutumiers à la cueillette ; la rivière Palolo ; les similitudes et différences entre chambres d’hôtel et salles de réunion ; les acrobates d’un spectacle de style Las Vegas à Waikiki ; et le pronom “nous” qui traverse tout le livre, tantôt inclusif, tantôt exclusif, à la fois pluriel, fraternel, amoureux et éminemment singulier. Provocatrice et émouvante, finement rendue dans la traduction de Pascal Poyet, la poésie de Juliana Spahr exige lecture et relecture.
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C’est ainsi que nous obtenons et
revendiquons.
Ainsi que nous apprenons et que
nous sommes.
J’ai cette pensée.
La pensée de la table publique.
La pensée du lit privé.
Toute cette histoire de jambe posée
sur une épaule et de l’autre jambe
écartée ou enroulée autour de l’autre
personne, c’est l’amour d’essayer qu’il
n’y en ait pas un meilleur que l’autre.
Les deux ont besoin des rigueurs de
l’autre, des pratiques de l’autre.
Mais je suis désorientée.
LIRE PLUS
Comment faire réunion dans le discours
investi. Faire éloquence. Faire fleuri
dans les deux. Une treille en fer forgé
dans les deux. Un lieu pour accroché
et suspendu par les cheveux dans les
deux. Un lieu pour clignotant rouge
plastique en guise de cœur dans les deux.
Un lieu pour l’amour de la nature dans
les deux. Un lieu pour un jour gris et
humide dans les deux. Un lieu pour
les graffitis intimes tracés dans la buée
sur le miroir de la salle de bain dans les
deux. La façon dans les deux. Le durable
dans les deux. Ensemble. À la fois
gonflement et contact. À la fois écoute
et transformation. À la fois séparation
et union sur toutes les surfaces planes,
dans notre monde du fait quotidien.
/// (pp. 62-63)
REGROUPER
La poésie de l'Américaine Juliana Spahr, telle qu'on peut la lire dans ce volume qui, pour être bref, n'en fait pas moins preuve d'une belle densité, se construit dans un entre-deux qui se joue des définitions. À mi-chemin d'une subjectivité insinuée plutôt qu'affirmée (et pourtant centrale) et d'un ton apparemment documentaire, elle construit d'ambitieuses séries de poèmes aux vers courts. Comme dans toute poésie lorgnant vers un idéal minimaliste (en dire le plus possible avec des matériaux très resserrés pour atteindre un état de suggestion maximale), Juliana Spahr se méfie des effets de manche et reste au plus près d'un vocabulaire simple, quotidien ou technique, des mots dépourvus de toute possibilité métaphorique et qui pourtant la font renaitre en creux (et non parfois sans un certain humour mélancolique). " Nous rêvons d'éloquence " , lit-on, et, dans le même poème, " Nous nous réunissons pour employer des mots comme responsabilité éthique ", mais "Nous limitons la possibilité de l'amour de la parole ". Le livre est parcouru par une oscillation entre le "je" et le "nous", et les deux sont aussi inclusifs (en incluant, par exemple, la subjectivité) qu 'exclusifs : "Je fais partie d'un nous et puis ne fais pas partie d'un nous". Car "Le problème est comment faire nous maintenant tous ensemble". Le long poème "Permutation" met ainsi en parallèle la difficulté de la création d'un discours commun et celle de l'amour et de la sexualité; des gens réunis autour d'une table pour parler, ou dans un lit pour s'accoupler. Ailleurs, elle introduit le mot pidgin "da kine" pour évoquer la question de l'identité à Hawaï. "Dans ce qu'on appelle culture/nous sommes tous doigts et/orteils. Tous jambes et bras". Spahr imagine la construction culturelle sous la forme d'une pyramide humaine élaborée par trois personnages: "Dans ce maintient, nous essayons la/ culture pour voir si elle est utile", car "C'est l 'équilibre qui construit/les pyramides". Une pyramide souvent émouvante, pleine de " Cette folie de l'amour et folie de la pensée ".