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Portrait d'une ville
Dans un précédent livre, Décor Daguerre, un soir de 1977 une mère et sa fille traversent une ville de banlieue à toute vitesse pour ne pas rater le début des Demoiselles de Rochefort. Cette ville, c’est Saint-Germain-en-Laye. Ancienne ville royale, restée riche, elle surplombe et juge qui ne lui ressemble pas, pense la fille. Tandis que la mère travaille à l’autre bout du RER, la fille grandit, serpente de l’école au collège, fait un tour en forêt, s’arrête à la bibliothèque. Elle se construit sa ville à elle.
Arrivée à Saint-Germain-en-Laye à 7 ans, Anne Savelli en est repartie à 15. Elle y est revenue dix ans plus tard le temps d’une visite, puis encore, et encore, tous les cinq ans, tous les deux ans... De la détestation de la ville à l’adolescence à une réappropriation des lieux, elle a fini par écrire ce livre.
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(p. 53)
Pas de rituel à Saint-Germain-en-Laye, aucune habitude sauf les bonnes riait la mère tandis que la fille guettait les premières vitrines de Noël, généralement rue de Paris. Parfois tout prenait corps en transversale. Cordonnerie, serrurerie, une boutique inconnue déposait faux givre et guirlande électrique, ce luxe, pour la fille seule au fond d’une venelle, à portée de trottoir. De retour chez elle, elle se précipitait, racontait, s’exclamait. Entrait dans sa chambre et refermait la porte, comme un prisonnier de BD se mettait à cocher sur un papier secret les jours de la semaine – cette histoire de Noël devenait une obsession, paraît-il – nombre de choses devenaient obsessionnelles, sanctionnait la mère par moments – avant, le 1er décembre, de sortir le calendrier de l’avent, un dessin de village bleu nuit, pailleté et ravissant, et une image par case, les mêmes chaque année.
Lecture d'un extrait par Juliette Cortese
REGROUPERThomas Terraqué dans L'ARSENAL a écrit:Entre tentation de rejet et mélancolie pudique, Anne Savelli livre une
élégie qui n'est pas sans se référer à ces lieux irrémédiablement perdus du patrimoine littéraire (Combourg, Combray, Paterson). L'originalité de sa composition, qui mêle fragments poétiques, anecdotes autobiographiques, paragraphes documentés, donne toute sa force au recueil. L'image qui s'en dégage, d'une intimité touchante, est une invitation au retour, quel qu'il soit.
Guillaume Vissac dans REMUE.NET a écrit:..."La justesse du livre c’est d’abord sa posture. Jamais pamphlétaire, il ne dénonce pas — trop facile — et sait rendre à la ville les souvenirs d’enfance qu’elle a engendrés. Il y a du charme, forcément, dans Saint-Germain-en-Laye, qui m’apparaît à présent familière bien que je n’y aie jamais mis les pieds. Le regard est souvent tendre, subtilement mélancolique ; tranches de vie évoquées, lieux chers, et la phrase ne comble rien des vides que laissent les souvenirs."...
Gilda Fiermonte dans Radio Cause commune a écrit:A priori, rien ne rapproche, ni dans l’espace ni dans le temps, Kyoto de Saint-Germain-en-Laye. Si ce n’est, peut-être, qu’il y a des forêts en jeu (lieu du conte par excellence), des collines, parfois appelées montagne (Montagne du Bon air, comme on s’est retrouvé renommé après la Révolution, alors qu’à l’autre bout du globe on était désormais connu sous le nom de Capitale de la paix et de la tranquillité), des monuments, des lieux historiques, des châteaux. Dans Saint-Germain-en-Laye, Anne Savelli écrit à la fois un conte contemporain (c’est l’histoire d’une jeune fille sur le territoire de son enfance) mais aussi un guide touristique d’une ville de région parisienne, en France. Dans Au nord par une montagne, au sud par un lac, à l’ouest par des chemins, à l’est par un cours d’eau, László Krasznahorkai écrit à la fois un conte philosophique ainsi qu’un roman de littérature étrangère (dans tous les sens du terme : traduit d’une autre langue vers le français, et qui s’intéresse à un pays qui n’est pas le sien) sur l’infini.
Hugues Robert dans BlogCHARYBDE27 a écrit:Emission en Podcast
Anne Vivier dans DISSONANCES #38 a écrit:Alice au pays des classes sociales, ou le songe d’une jeunesse sur les frontières intérieures.
« Marcher ici, c’est ne pas savoir qu’il existe des HLM poussées sans magasins, des tassements, des empilements […]. C’est ne pas vivre, non plus, une entraide possible ». Mais une institutrice amoureuse de poésie et une bibliothécaire imaginative : il y eut pourtant de belles rencontres, de celles décisives qui donnent une direction à la vie. De quoi déverrouiller une porte et envisager la possibilité de l’évasion.