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La forme littéraire du projet en question
"À quoi bon exécuter des projets, demande Baudelaire dans les Petits poëmes en prose, puisque le projet est en lui-même une jouissance suffisante ?"
Passant en revue une série de projets qu’il a conçus mais jamais menés à bien, Guy Bennett démontre la justesse de cette question. Œuvres presque accomplies interroge la notion d’œuvre littéraire de l’intérieur, dans la lignée des Poèmes évidents et de Ce livre, qui l’ont précédé dans la même collection.
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(p. 30-32)
10.XI 14
Et si, au lieu d’une série ininterrompue de descriptions de projets inaccomplis, cet ouvrage était ponctué d’extraits de certains des manuscrits en question ? On pourrait les faire apparaître selon un algorithme quelconque ou en fonction des besoins du texte, et ils se présenteraient différemment, en plus gros caractères et / ou en noir au blanc, par exemple, ou composés de façon à remplir la page, ou peut-être même sous forme manuscrite, comme s’ils étaient – et ceci pourrait très bien être le cas pour certains – des reproductions de pages de mes carnets de travail. Ce qui pourrait aussi servir à rompre l’uniformité du livre et éventuellement créer un rythme.
Poèmes basse rés.
LIRE PLUSUne image numérique en basse résolution (ou « basse rés. ») possède moins de pixels et donc moins de détail qu’une image « haute rés. ». Elle peut apparaître pixélisée ou « dentelée » à l’écran, avec des contours rugueux, des régions marbrées en ton continu et un manque global de netteté. Ce recueil voudrait établir un équivalent littéraire à de telles images en explorant les possibilités de l’écriture en basse résolution, dont il pourrait s’approcher de différentes manières :
• De brefs poèmes écrits dans un style ébauché, notationnel. Poèmes de peu de mots qui auraient des contours rugueux et une « barbe de trois jours » (phrases incomplètes, irrégularités grammaticales, une pincée de lolspeak, etc.) On pense au premier Kroutchenykh.
• Les poèmes devraient refléter et célébrer une pensée « d’en bas » dans le choix des thèmes abordés : une fascination pour le vulgaire, pour les personnalités et artéfacts culturels de série B, une fixation sur le « famesque (6) », la peopolisation, le trivial, l’éphémère, etc.
• Le langage devrait se dégrader au cours du recueil, à la manière de ces images dont la qualité se dégrade lorsqu’on les sauvegarde dans des formats de compression avec perte, comme le .jpg. On pourrait parvenir à ce résultat en ouvrant les fichiers des poèmes dans un éditeur de texte et en bricolant le code, altérant ou supprimant certaines chaînes, etc., mais on pourrait aussi bidouiller directement le contenu des poèmes eux-mêmes, enlevant certaines lettres / séquences de lettres et les remplaçant par des espaces afin de concrétiser leur absence, etc., à la manière d’« After Images » de Joan Retallack.
2012
(6). Mot anglais récent (2009) : le fait d’être « célèbre pour sa célébrité ».
REGROUPER
Christian Rosset dans DIACRITIK a écrit:Ce livre est une mise en garde contre le sérieux de la littérature ; et un éloge de la velléité ; c’est un livre ouvert à un nombre infini d’interprétations. Doté d’un immense fonds, ce livre est un puits sans fond.
Œuvres presque accomplies “passe en revue une série de projets que Guy Bennett a conçus mais jamais menés à bien”, de manière différente, mais cependant compatible avec ce qu’Édouard Levé avait tenté quelques années plus tôt avec Œuvres (mais Bénabou, Borges ou Pessoa sont aussi, à leur manière propre, passés par là).